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femmes randonnées bushcraft

-I INTRODUCTION

Je constate souvent qu’on reporte les clichés de la société à toutes les autres disciplines, comme si toutes les femmes étaient similaires ou égales en capacité, ou avaient le même comportement en société et dans leur passion. Sans être féministe (moi je suis plutôt humaniste : tous égaux, personne plus qu’un autre), je trouve qu’on critique beaucoup les femmes dans le milieu de l’outdoor, et après on s’étonne de ne pas en voir plus que ça. On leur fait du matos rose ou violet pour bien les distinguer, comme si elles aimaient toutes les couleurs de la voiture de Barbie et rêvaient du beau Edward dans Twilight. On les cible dans des campagnes marketing pour insister sur leurs moyens limités pour leur faire acheter des produits dont elles se sont passées toute leur vie, depuis la nuit des temps.

Il faut vraiment distinguer je pense, entre marketing et confort, ce qui conviendra à chacune. Par confort, j’entends par exemple le choix du sac à dos qui est important et ça les marques l’ont bien compris, comme notre partenaire Décathlon par exemple qui propose des sacs adaptés à la morphologie féminine ou des sacs mixtes qui s’adaptent. Est-ce vraiment utile ce genre de matériel genré ? Ma foi, oui, car médicalement on ne va pas se mentir, le corps féminin et le corps masculin ne sont pas les mêmes. Les hommes un dos plus haut et plus large, leur bassin est autrement bâti, c’est une question de biologie c’est tout. Un homme portant un sac de femmes sera mal à l’aise, aura des pressions aux mauvais endroits, sera serré dedans. A l’inverse, une femme portant un sac d’homme pourrait flotter dedans malgré des réglages serrés et cela créera des frottements à plusieurs endroits. On pense aussi à la poitrine des femmes qui n’a pas franchement besoin que les bretelles leur pincent le pli sur le côté ou que la sangle pectorale ne l’écrase au mauvais endroit. Dans ces conditions, je trouve que distinguer les hommes et les femmes, ça le fait, c’est même un minimum syndical pour prendre en compte l’unicité et les spécificités de chacun.

Au-delà du matériel, il y a tout cet aspect comportemental qui entre aussi en jeu. La communauté de l’outdoor est composée de baroudeurs, de solitaires, d’aventuriers assez sportifs, d’anciens militaires. On le sait, ce ne sont pas des communautés où on retrouve beaucoup de femmes, donc on y va parfois de sa petite blague ou photo dénudée un peu sexiste sans penser à mal. Mais des femmes de l’extérieur, voyant en passer deux ou trois, seraient tentées de se dire « ah ok super l’ambiance, demi-tour ! ». Voyons ce qu’il en est dans la réalité avec nos trois intervenantes chevronnées de nature.

-II- PRESENTATION DES INTERVENANTES

Afin d’obtenir les meilleures réponses possibles nous avons réuni une équipe, surprise, composée de 3 femmes qui pour moi, représentent bien l’indépendance, la volonté et la compétence en nature.

Éléonore

Éléonore : directrice et formatrice en techniques de survie chez Time On Target, vous l’avez peut-être aperçue dans l’émission « Wild, la course de survie ». C’est l’une des seules femmes en France à encadrer des stages de survie (ça aussi, on va en parler). Elle est également infirmière, auteure, rédactrice et pas mal de choses. En la suivant sur les réseaux sociaux, on s’aperçoit qu’elle envoie du lourd. Plus d’infos ici : https://www.t-o-t.fr/

Karine

Karine : ancienne jardinier-paysagiste, elle a changé de voie après avoir découvert l’art du massage à Bali, fortement tourné vers la nature et l’apaisement du corps qu’elle procure.. Elle pratique le bushcraft et bivouaque régulièrement tandis que, pensant à l’avenir de son enfant, elle monte un projet d’école dans la forêt (forest school). En clair elle est douce à l’intérieur, mais costaud à l’extérieur. Plus d’infos ici : https://www.massagebalinais.com/

Laurence « Hildegarde »

Laurence : formatrice en plantes sauvages comestibles chez Échappées Sauvages. On la voit régulièrement dans des reportages (France 3 etc…), dans des publications, elle aime partager sa passion ! En plus d’être super callée en matière de végétaux, elle aboutit le sujet en proposant des recettes pour les valoriser. Je la cite souvent dans mes articles bushcraft / survie (sur mon blog ou sur www.sovoyageurs.fr). Elle est également conférencière, auteure et accompagnatrice en randonnée. Vous l’avez peut-être aperçue sur les vidéos de mon copain Jacob, où elle proposait des recettes sauvages et franchement bien stylées. Plus d’informations ici : https://www.echappeessauvages.org/

Les questions et la retranscription / agencement des réponses… ont été bien sûr réalisées par votre serviteur, Renan, fondateur de la Skol Louarn, école buissonnière du bushcraft et de la survie, basée en Bretagne.

-III- LES QUESTIONS AUX INTERVENANTES

1) PUISSANCE PHYSIQUE :

Allez, on rentre dans le vif du sujet sans chichi. Est-ce que les femmes sont vraiment à la traîne lorsqu’elles pratiquent la nature ? Est-ce pour une raison de physique que les femmes sont moins présentes dans ces pratiques ?

Hildegarde (Laurence) et Éléonore ont réagit toutes les deux en secouant la tête : ce n’est pas du sport de haut niveau non plus, il n’y a pas de différence. Par contre, chaque individu a bien sûr son petit niveau qui lui est propre, selon sa préparation et ses aptitudes initiales. Éléonore, habituée aux expéditions rajoute que la totalité des femmes ont des capacités physiques très largement compatibles avec les activités outdoor. Pour elle, ce n’est clairement pas de ce côté qu’il faut chercher pour expliquer la sous-représentation des femmes dans ce milieu.

Karine nuance un peu, elle qui a expérimenté le travail avec les végétaux dans sa précédente vie (paysagiste), reconnaît que si on parle de puissance physique dans un cadre précis, on constate bien évidemment une différence de puissance. Du coup, sachant cela, elles seraient plus créatives pour palier à cela. Mais pour la marche, aucune raison de penser que les femmes seraient à la traîne, elle explique même qu’en terme de résistance physique, à l’effort ou à la douleur, les femmes peuvent montrer une grande capacité d’endurance voir plus selon les retours qu’elle a pu avoir d’experts de la survie. Elle nous partage une anecdote d’allumage de feu par friction à l’archet, durant un stage de survie. Elle a constaté à plusieurs reprises que les femmes galéraient un peu plus que les hommes avec cette technique. Après avoir cogité, du fond de son expérience de massothérapeute, elle a réalisé que, comme chez beaucoup d’espèces animales, les hommes ont beaucoup de force dans le haut du corps et les femmes plutôt dans le bas du corps (à partir du bassin, pour des raisons évidentes). Or, cette technique nécessitant de placer un genou au sol, penché en appui sur l’autre, est moins favorable aux femmes puisqu’il faut beaucoup solliciter les bras. Toutefois conclut-elle, cela vaut surtout chez les novices, car avec l’expérience tout le monde arrive à se caler et à optimiser le geste pour moins fatiguer les bras.

NDA : on recopiant les réponses, je me souviens de cette photo sur les réseaux où on voit « une femme qui a un rhume » en train de faire 10 choses à la fois, et en dessous l’homme qui a un rhume, au lit, presque mourant. Bon, c’est de l’humour bien sûr, mais je pense qu’il y a un fond de vérité. S’il est vrai que sur un trek tendu avec beaucoup de marche et de portage, on verra sûrement après quelques temps une différence dans la gestion de l’effort, rappelons aussi que souvent les dames ont un petit gabarit et ont des affaires qui pèsent moins lourd, donc leur emport de matériel est fonction de ça. Au final, au vu des réactions de nos participantes et de mon expérience, on peut conclure que c’est plutôt un mythe et qu’il faut comparer des choses similaires. N’importe qui, homme ou femme, non-préparé et non-habitué, sera à la traîne dans l’outdoor face à une personne qui elle, le sera.

2) CERVEAU :

On dit souvent que les femmes ne pensent pas comme les hommes. Selon vous, est-ce vrai, est-ce justifié, est-ce un problème en nature ou un super-pouvoir ? Si vous avez des anecdotes, je prends.

Continuons avec Karine, pour qui cette réponse est la suite logique de la précédente. Elles sont toutes les trois d’accord sur ce point, ça ne tourne pas pareil là-haut, et… c’est une bonne chose. Elle nous raconte comment l’homme suivrait son cerveau pragmatique et la femme son cerveau intuitif, au vu de son expérience professionnelle et de sa vie de couple, même si elle reconnaît que les généralités ont le dos large et que ce n’est pas un problème « DU TOUT » !

Hildegarde complète en disant aussi qu’il ne faut pas oublier le vécu de chacun, l’éducation, le physique mais aussi le psychique. Là où un homme voudra parfois aller à l’essentiel (manger des plantes tout de suite parce qu’on a faim), une femme serait tenté d’y mettre plus de sens (et d’amour dans les gestes) pour donner au repas une dimension de plaisir, de beauté, qui rendra le repas plus agréable. Elle remarque que souvent les femmes se plaisent à ajouter de la poésie là où les hommes chercheront surtout l’efficacité. Dans tous les cas, elle apprécie cette complémentarité car c’est la diversité des points de vue pour aborder un problème, qui font dans la nature la force d’un groupe.

Éléonore sur ce point, aimerait bien avoir un super-pouvoir-de-femme, mais ne trouve pas que la manière de penser différemment en soit un. Elle compare néanmoins son expérience dans un milieu très masculin, où une femme s’y trouvant en minorité sera tentée de redoubler d’efforts pour faire ses preuves et éteindre les remarques misogynes rapidement. Du coup, elles apparaissent peut-être comme tenaces et cela peut donner l’impression que les femmes ont un super-pouvoir, mais en réalité elles sont justes différentes.

3) CORPS FEMININ :

Sans secret, les femmes ont des règles et doivent s’asseoir pour uriner, parmi d’autres distinctions avec les hommes. Cela se vit bien ou c’est un peu la galère pendant les bivouacs ? Des astuces peut-être ?

Nda : bon clairement en posant cette question, je voulais me débarrasser rapidement des clichés que l’on ressert régulièrement aux femmes (ce n’est pas glorieux messieurs, qu’on se le dise, de leur faire croire qu’elles nous ralentissent etc…). Mais je constate que j’ai fait une bourde en lisant la réponse de Karine, dont le corps féminin est un des sujets d’études, car elle m’a répondu en UNE page, et c’est tellement intéressant que j’ai dû me faire souffrance pour tailler dedans afin de ne retenir que les parties essentielles.

Éléonore sourit, « heureusement pour nous, nous sommes nées avec ! » en parlant de son corps. Sachant qu’elle pratique très assidûment la nature, cela fait bien longtemps qu’elle a balayé ce genre de contraintes de ses préoccupations, avec des techniques bien rôdées. Pour le pipi, elle ne perd pas franchement plus de temps qu’un homme explique-t-elle, et présente même une astuce éco-responsable avec le « kula-cloth » qui est une lingette réutilisable et lavable qui remplace le papier toilette (on se nettoie, on le replie, puis au premier cours d’eau on le nettoie au savon et on l’attache sur le sac à sécher, roulez jeunesse, https://kulacloth.com/). Hildegarde aussi a depuis longtemps opté pour les lingettes en tissu lavable, mais elle a poussé sa réflexion plus loin : elle s’en sert aussi à la maison, donc au final en bivouac elle n’a aucune rupture de confort, c’est « comme à la maison ». Pour elle c’est donc un faux débat, son corps féminin n’apporte aucune difficulté supplémentaire au bivouac.

Puisque nous parlons « pipi », Hildegarde rajoute comment elle fabrique son propre urinoir féminin à partir d’une boite de shampoing (https://youtu.be/Q86Lex6Iuzs) en forme de gouttière. Il suffit d’ouvrir son pantalon (bouton et braguette) puis de baisser la culotte avec son pouce et de l’autre main simplement placer l’objet et hop. A la fin, un petit coup de mouchoir (même un demi-mouchoir) et c’est plié. NDA : si vous voulez vraiment stériliser l’outil, une noisette de gel hydroalcoolique sur le mouchoir et c’est terminé mais pas indispensable. Cela lui permet, elle qui travaille beaucoup avec des hommes, de leur montrer qu’une femme sait s’adapter et ne pas retarder le groupe en allant se planquer à 50m dans les fourrés et surtout, on évite de se retrouver avec des tiques dans le pantalon ou de se piquer les fesses sur une végétation hostile, me confie-t-elle. Éléonore n’est pas fan quant à elle de ce genre de produits, pour elle se mettre accroupie et baisser le pantalon ça va aussi vite, sauf… en hiver où cela devient une épreuve (froid) humorise-t-elle.

Karine aussi utilise la méthode classique, elle fait son trou avec le talon de la chaussure, fait ses affaires et rebouche le tout puis le recouvre de litière végétale, simple en fait.

NDA : je recommande souvent le shee-pee (pisse-debout) pendant mes stages aux femmes comme alternative pour éviter d’avoir à se planquer, à s’accroupir, à se dénuder le bas. En forme d’entonnoir, en latex, facile à désinfecter, résistant (vous mourrez avant lui vu la matière). Bon comme le dit Hildegarde dans sa vidéo, effectivement pour l’essuyer c’est moins simple puisqu’il a une petite trompe vers le bas. Mais la technique que je recommande consiste à le rincer avec de l’eau dans une rivière (ou la gourde), puis de le secouer en l’air quelques secondes, la surface fait perler l’eau exprès et il est quasiment sec alors. Il faut de l’eau c’est vrai, mais il en faudra pour tout le reste aussi (lavage des mains, des dents, hygiène, repas, vaisselle) donc c’est un faux débat. Par contre dans un désert ou s’il n’y a pas d’eau courante (exemple : au milieu d’un GR en montagne) la méthode de Hildegade (gouttière, demi-mouchoir) serait bien sûr meilleure, bien sûr pas avec la version en silicone.

Concernant les règles, Éléonore nous parle des culottes menstruelles pas mal mais pas non plus solution-miracle. Elle propose la Cup en précisant qu’elle évite de trop la manipuler à la journée car ses mains sont sales à longueur de temps. Enfin, elle nous parle de sa dernière solution : le flux instinctif libre pour le début et la fin des règles. NDA : je suis allé mener l’enquête car, comme beaucoup d’hommes et de femmes, j’ignorais de quoi il s’agissait. En fait, le périnée (c’est à l’intérieur messieurs) peut être développé pour retenir naturellement les fluides sortant, c’est un muscle et on peut le travailler pour qu’il soit très efficace. Aussi, certaines femmes après de l’entraînement peuvent retenir ce qu’il faut, et relâcher au moment opportun, évitant ainsi de salir les sous-vêtements ou devoir porter des protections. Hildegarde de son côté, est plutôt team tampons et serviettes jetables (selon). Il suffit de prendre un petit sac plastique pour les recueillir, un zip-loc tant qu’à faire (sac de congélation refermable) et fin de la mission !

Karine compartimente selon les accompagnants ou pas. Si on est seule, entre amies ou amis, avec de la famille… Dans tous les cas, eau et savon sont indispensables pour pouvoir toucher son corps sans risquer d’y amener des bactéries (milieu forestier / naturel, rappelons-le) et bien sûr un sac hermétique pour ranger d’éventuels produits jetables ou réutilisables après lavage. Elle nous parle ensuite très en détail de la relation qui unit la femme à la nature, par le prisme des règles justement qui la connectent à elle. Elle donne l’exemple de certaines tribus où la femme quitte le village quelques jours pour pouvoir vivre librement leur flux (technique du flux instinctif libre, c’est à dire que lorsqu’on sent le flux sanguin commencer à couler, bloquer le périnée quelques secondes et se trouver un coin au calme pour laisser couler, très naturellement en somme) et laisser les choses se faire (sinon dans un trou que l’on rebouche après). Elle comprend qu’en France dans nos vies actuelles, on puisse trouver cela dingue mais elle propose aux femmes d’essayer au moins une fois car cela est essentiel afin de mieux comprendre la place de la femme dans la nature. NDA : franchement ça à l’air d’une superbe expérience à vivre, au début de vos tentatives n’hésitez pas à utiliser des protections le temps de bien maîtriser la technique, qui demande d’entraîner son périnée un minimum.

Plus concrètement, elle recommande de ne pas être gênée d’en parler à ses partenaires de bivouac, de dire où vous en êtes dans le cycle pour qu’ils sachent et ne soient pas étonnés de vos allers-retours « tranquillité ». NDA : si en plus cela permet d’éviter les remarques un peu relou « tu as la gastro ou quoi ? » on y gagne vraiment, en tant que femme, en paix intérieure, de ne pas stresser que quelqu’un fasse une remarque ou s’impatiente parce que « on doit y aller, on revient ». Mais comme dit Karine, c’est sûr que si on est avec des gens qu’on connaît peu, ce n’est pas engageant comme discussion, elle le comprend aisément.

4) RECONNAISSANCE :

Mine de rien, vous vivez chacune une vie professionnelle passionnante. Entre la survie, la botanique et les bienfaits naturels sur le corps, avez-vous eu du mal à faire votre place ? Est-ce que vos métiers étaient plutôt masculins il y encore quelques années ?

Hildegarde ironise « c’est comme dans la société classique, quand une femme réussit c’est louche ! » avec humour. Pour elle, il est compréhensible que le grand public pense « outdoor = homme » car c’est un loisir exigeant, qui demande une grande disponibilité sur plusieurs jours, donc quand on doit gérer des enfants en bas âge (allaitement par exemple) on ne voit pas une femme le faire. L’inverse est plus rare me dit-elle, qu’un homme reste à la maison garder les enfants tandis que sa femme gambade en nature ou encadre un groupe. C’est un peu notre histoire naturelle (et encore le cas chez les peuples premiers précise-t-elle), les hommes à la chasse ou au champs, les femmes à la maison à gérer la famille, les stocks, la nourriture. Mais elle constate aussi avec plaisir que dorénavant chez les jeunes couples c’est une affaire de concertation et non un fait socialement imposé.

Avec son métier, la botanique, on était plutôt dans une logique féminine depuis la préhistoire (vu que l’homme chassait, la femme chassait le buisson, nda), donc rien de fou à ce qu’en tant que femme elle s’y intéresse. Pourtant, la survivance de ce savoir est passé par le monde paysan du début du XXème et en ce temps là c’était les hommes qui étaient surtout instruits et donc eux qui rédigeaient les livres, transmettaient le savoir, quand bien même ils apprenaient sûrement leur savoir culinaire et médical de leur mère, nos grands-mères en fait. Voilà comment dans les années 80 la plupart des experts étaient des hommes (François Couplan, Bernard Bertrand) et qu’aujourd’hui encore beaucoup d’œuvres de référence le soient encore.

C’est aussi pour cela que la réussite littéraire de Sainte Hildegarde de Bingen au XIIème siècle lui a tant plu et l’a inspiré comme pseudo sur les réseaux sociaux (Hildegarde) : c’était le rare exemple d’une femme qui, du fait de l’importance de son savoir et de son charisme à le diffuser, avait réussit huit cents ans plus tôt que tout le monde, à s’imposer comme référente dans ce domaine.

NDA : désormais la parité s’efface de plus en plus, Éléonore a sorti un livre sur la vie en autonomie dans la nature, Hildegarde également sur les plantes, je songe à 4-5 autres références féminines dans le domaine. Il y a une réappropriation du girl-power dans des métiers des plantes qui autrefois étaient vraiment féminins et ont cessé de l’être à cause d’influences religieuses, politiques ou sociales. C’est l’un des gros points positifs du progrès et cela fait plaisir. La preuve, j’ai appris les plantes avec une femme, les 3-4 personnes dans ma ville qui font des sorties plantes sont des femmes et mon expert préféré dans le domaine (Hildegarde / Laurence) en est une aussi.

Passons maintenant à Karine, qui se remémore ses années de formations dans le paysagisme. Elle était la seule femme de sa promotion à l’époque (il y a 15 ans). Petit choc, elle qui sortait d’une école d’arts appliqués avec 90% de filles. Désormais en 2021, elle constate que le nombre de femmes dans ce milieu a explosé et l’aspect artistique l’emporte davantage sur l’aspect purement physique de pelleter, porter, tirer, pousser. Rien pourtant ne l’a empêché dans son métier de bosser avec des hommes, de diriger des équipes et que ses compétences pro soient reconnues unanimement. Elle reconnaît toutefois qu’elle s’est sentie un peu sous pression, en tant que femme, de devoir réussir pour ne pas entendre des remarques là-dessus. Mais au final, ça lui a forgé le caractère, l’assurance et l’autorité, lui conférant une crédibilité jamais remise en cause. Désormais, elle s’est tournée vers le monde du massage et l’art du toucher, monde réputé très féminin et nécessitant une grande dose d’intuition, ce qui lui permet de vivre très en phase avec son côté féminin.

Pour Éléonore, le monde de la survie est clairement masculin, elle ne se leurre pas, aujourd’hui encore la parité est absente. Mais, elle n’a pas ressenti de difficulté particulière liée à son genre, quelques jaloux (haters sur les réseaux) qui visaient sûrement plus sa personnalité ou son vécu que son genre, éventuellement quelques machos qui pour son plus grand plaisir ne viennent pas à ses stages. Donc au quotidien, elle côtoie surtout des personnes bienveillantes et respectueuses de sa féminité, dans l’échange et le partage. Justement, elle explique que ça lui a même rendu service car en étant l’une des rares femmes du métier elle a acquis une visibilité forte dès le départ. Bon, parfois elle se sentait un peu comme une bête de foire ou la curiosité du coin, certains sont sûrement venus juste pour voir si elle était compétente ou non, mais elle s’est finalement imposée comme une monitrice compétente. Notamment via la reconnaissance de professionnels qui la sollicitent pour des missions techniques, comme du consulting, des articles, des séjours d’aventure à organiser, de la co-conception d’équipement, ou enfin son livre.

5) EMPORT / PORTAGE :

Je pense à ma compagne quand on part ensemble. Elle met 10 vêtements pour 2 des miens, elle ne prend quasiment pas de place dans le sac à dos. Le sac dos féminin, contrairement aux clichés du sac à main, serait donc plus léger ?

Question intéressante, qui fait beaucoup rire Karine. Pourquoi ? En réalité, le cliché de la petite nana dont les vêtements pour 3 jours tiennent sur une paume de main, ne s’applique pas à elle. Cela dit, elle s’entraîne et ne lâche pas l’affaire, pour s’améliorer dans ce domaine. Il faut aller à l’essentiel dit-elle et avec le temps beaucoup de matos deviendra soit essentiel (on garde), soit non-essentiel (ça s’en va). Elle regarde pas mal ce que font les bushcrafteurs masculins et essaie de s’en inspirer pour lâcher prise progressivement. Par contre, fait amusant, son sac à main du quotidien est tout petit et ne contient que le minimum : argent, stylo, opinel, mouchoirs, clés, téléphone et cartes de visite pour le travail.

Éléonore recentre la problématique sur le corps et non sur le genre. Quand on est grand, peu importe le genre, on prend de la place explique-t-elle. Mais… elle manque de crédibilité (humour, nda) car mesurant 1m60 elle colle parfaitement au cliché de la petite nana qui ne prend pas de place ! Elle me donne ses astuces (car elle a transformé sa petite taille en gros avantages) : elle a un duvet enfant, donc elle gagne facilement 1/3 de place, ses vêtements sont peu volumineux également. Mais du coup elle ne s’explique pas pourquoi le % de poids de son sac est plus élevé que par exemple celui de son compagnon (avec un gabarit forcément un peu plus costaud). Elle conclut donc qu’elle n’a pas remarqué vraiment de clivage dans le domaine de l’emport.

NDA : je suis vraiment émerveillé quand je vois les dames, de manière générale (bouuuuh les généralités ! Et pourtant…) faire leur sac de voyage. Mon manteau représente 3 ou 4 de leurs pantalons ou pulls, mon pantalon fait 3 des leurs, mes chaussettes montantes prennent la place de 3 de leurs soquettes, mes caleçons font 3 culottes etc…. Alors oui, si on comparait une dame de ma corpulence (1m87 +120 kg) on diminuerait peut-être un peu la distinction, mais j’en connais peu des dames comme ça à vrai dire. Au final je pars avec un sac de sport et elles avec un petit sac à dos. Et bien en randonnée cette disparité se retrouve en volume et en poids également, mais, comme le souligne Éléonore il ne faut pas peser nos sacs entre eux et s’étonner du poids, mes vêtements sont plus grands car je suis aussi plus grands donc je peux porter plus lourd. Intéressons-nous plutôt au ratio hauteur du porteur + poids / poids du sac.

Enfin, Hildegarde part à l’inverse; du sac : plus le sac est gros, plus on le remplit. Heureusement raconte-t-elle, les sacs féminins sont bâtis selon leur gabarit, on trouve donc rarement des gros sacs. Elle vise l’efficacité quand il est question de le porter, le plus léger possible. Pour cela, elle ne se charge que du strict nécessaire et a de longue date appris à se passer d’outils, lourds et encombrant. Elle me taquine avec justesse en disant que cela rappelle la distinction pragmatisme féminin contre efficacité masculine. Donc par exemple un homme sera tenté d’embarquer une scie ou une hachette, elle va juste ramasser du bois plus petit et le casser avec le pied (ou pas) par exemple. Rien que pour la taquiner en retour, je rajoute une deuxième scie pliante dans mon sac à dos au moment où je vous parle (nda).

6) MARKETING :

Je constate que les commerçants se mettent à la page avec l’arrivée massive de femmes dans l’outdoor. Êtes-vous sensibles à cela ? Avez-vous un avis sur les produits féminins prétendant augmenter l’indépendance des femmes ? Je pense à la CUP, au Sheepee (qu’Hildegarde appelle un Pisse-debout de mémoire !), aux lingettes nettoyantes « bio ».

Pour Éléonore, qui adore le matos comme on peut le voir régulièrement sur ses stories, elle n’est pas du tout choquée que des besoins spécifiques entraînent des produits spécifiques. Tant que les innovations proposées apportent un réel confort et un soin justement de ces spécificités, elle dit oui sans problème. Pour les produits types lingettes, elle se tourne vers le réutilisable comme dit plus haut (kula-cloth) et évite de se laver trop souvent pour ne pas avoir à s’en servir (et puis bon, on en fait quoi une fois sales, dit-elle avec justesse). Enfin, concernant les gammes féminines, si c’est une véritable adaptation morphologique ou physiologique, ok, mais si c’est pour nous leurrer avec juste des couleurs « mochy », non merci. Hildegarde, avec ses mots, dit quasiment la même chose. Elle rajoute juste que, ne trouvant pas toujours les spécificités exigeantes qu’elle recherche, elle n’hésite pas à prendre des pantalons hommes, quitte à ne pas avoir une silhouette parfaite, mais qu’elle n’attend alors qu’une chose : pouvoir acheter la même chose avec une coupe femme. NDA : pour ceux qui n’ont jamais remarqué, les pantalons femmes ont une braguette plus courte, cela implique forcément une coupe différente, avec quelques changement sous les fesses notamment et du flex au niveau des hanches.

Quand aux produits d’hygiène, notre spécialiste des plantes ajoute qu’elle préfère exclusivement le fait-maison (Do It Yourself = DIY) comme son urinoir recyclé et ses lingettes en tissu, plutôt que des produits manufacturés, jetables, pas forcément biodégradables, donc pas adaptés.

Karine s’étonne de la mention de la Cup, pour elle ça n’a rien à voir avec l’outdoor et cela existe depuis… 1980 ? non… 1960 ? non plus… depuis le Moyen-Âge les amis. Cela fait déjà plus de 10 ans qu’elle connaît et à l’époque il n’y avait pas tout ce marketing à outrance pour vendre à tout prix. Après réflexion, elle comprend qu’en nature la Cup devient très intéressante puisque réutilisable, un coup d’eau et de savon et hop, mais sans ça ce n’est pas très attractif et un peu dangereux (mauvais lavage + remise en place = risque d’infection vaginale ou urinaire). Concernant la fameux « pisse-debout » elle en a un mais jusqu’à maintenant (comme quoi, discuter apprend des choses, nda) elle le prenait surtout en ville plutôt qu’en nature, pour ne pas avoir à s’asseoir sur des toilettes dégoûtantes. Finalement, elle m’explique qu’elle ne court pas trop après le côté matos du bushcraft donc elle n’a pas fait attention à cet engouement apparent pour le marketing féminin, mais elle n’en peu plus de voir des vêtements rose ou violet sous prétexte que…

7) ACCEPTATION :

Sans parler de vos occupations professionnelles, en tant que pratiquantes de la nature (bivouac, bushcraft, survie…), vous êtes plutôt bien accueillies par la communauté ? Ou bien est-elle encore un peu macho (humour beauf, blagues déplacées) ?

Passons rapidement (au coin Karine !) sur Karine qui, à part dans son ancienne vie de paysagiste où à l’époque il est vrai que le milieu était vraiment très masculinisé, n’a pas franchement bivouaqué avec des beaufs ou des machos. Est-ce parce que comme elle dit, elle connaît moins de monde ? Elle en doute, je (nda) la connais surtout via la communauté SURB (Survivalisme Urbain, Rural et Bushcraft) et c’est vrai que sur ce groupe facebook ce n’est pas les femmes que l’on dézinguerait mais plutôt ceux qui voudraient les rabaisser. Elle passe donc le relais aux deux autres.

Hildegarde attrape le bâton et reconnaît qu’elle n’a pas trop de soucis non plus, elle a un humour de garçon qu’elle assume totalement et qui détend très vite l’atmosphère en bivouac. Elle a suffisamment de caractère pour rembarrer les remarques vraiment machos et calmer le jeu dès la première allusion. Pour elle, heureusement, le bushcraft est une grande famille et si comme dans ces dernières on s’y regroupe par affinités, ou âge, ou genre, cela n’empêche que ce qui nous rassemble est notre amour de la vie dans la nature (Lau-ren-ce Pré-si-den-te ! Nda).

Est-ce qu’Éléonore va abonder dans le sens des clichés, des femmes subissant des remarques et voulant rentrer à la maison ? Hé non, ce serait mal la connaître. Elle me raconte qu’en matière de blagues salaces ou déplacées, les filles aussi en connaissent un rayon alors « ça va ». On lui fait souvent sentir que la mixité est bienvenue et dit que, comme tout nouveau membre d’un groupe, on peut subir quelques boutades et que, vu l’évidence de son genre, cela peut arriver que ça parle de son état de femme. Pourtant, si elle avait été super grande, ou obèse, black, rousse, unijambiste, elle aurait quand même subi des blagues à ce propos, c’est surtout un moyen commun d’acceptation dans un groupe. Après, elle ne nie pas que ça peut arriver de prendre une vraie remarque / blague pourrie, mais alors une petite remise en place police et directe remettra les ardeurs à leur place.

NDA : bon vous l’aurez compris, sur le thème de l’acceptation on constate que nos trois femmes ne sont pas du genre à se laisser marcher sur les pieds. C’est vrai qu’au début en temps qu’homme j’aurais pu dire « ah oui ce sont des femmes de caractère, c’est pour ça ». Mais plus j’avance dans l’interview, plus je comprends leur point de vue : en fait peu importe que ce soient des femmes, elles ont du caractère, c’est tout. J’apprécie cette occasion de me remettre un peu en question, car je réalise que la plupart des remarques machos que l’on peut faire, sont parfois pavées de bonnes intentions.

Je me souviens d’un article où je parlais d’hygiène, je débute une phrase par « et pour les femmes, on pourra monter une bâche verticale pour aller se changer ». Mais je l’ai faite modifier par la suite, car en fait, moi le premier ça pourrait m’embêter de me dévêtir devant d’autres personnes. Par exemple, si ce sont des clients pendant un stage, ou tout bêtement s’il y a des enfants, dont les parents n’ont peut-être pas envie qu’ils apprennent trop vite certains détails anatomiques.

Il est facile en tant que bushcrafteur de penser tout de suite « bivouac entre potes », on est tous faits pareils, « pas de chichi », oui mais cela je pense est ce qui contribue à véhiculer l’image que les femmes ne seraient pas les bienvenues dans la pratique. Autant après 4-5 bivouacs si je connais bien une nana, je ne serais pas gêné de la voir en sous-vêtements (on sera sûrement allé se laver ensemble à la rivière, ou se changer en discutant, bon c’est la vie) ; autant si c’est son premier bivouac elle sera peut-être dérangée qu’on lui impose de se changer devant les gens ou qu’on lui fasse sentir que l’envie d’intimité est une perte de temps et donc elle n’osera pas faire les choses à sa façon. Je conclus donc en disant qu’il faut laisser à chacun le soin de se mettre à l’aise dans son rapport au corps, sans distinction de genre et surtout éviter les réflexions pesantes comme « mais pourquoi tu vas te cacher » ou « la flegme de gaspiller un tarp pour ça ».

8) HYGIENE :

Dès l’adolescence, on comprend chez l’être humain que les gars sont un peu moins regardants sur leur propreté tandis que les nanas sont dites un peu plus soucieuses sur ce point. En forêt c’est comment ? Au final, est-ce un crime de vouloir être propre (tout genre confondu) ? Des astuces les filles ?

Ce coup-ci, c’est Éléonore que j’ai réussi à faire rire avec ma question. Elle me rappelle qu’elle est infirmière de base (encore aujourd’hui pour dépanner en période de Covid) et pourtant elle n’est pas plus regardante sur l’hygiène qu’un homme, à sa connaissance. Elle utilise juste des techniques courantes « un peu comme tu utilises sûrement » me dit-elle : la toilette de chat quand elle a accès à un point d’eau, le petit savon biodégradable (à ne pas rejeter dans l’eau = se rincer en dehors), brossage des dents le soir, elle préfère le vrai dentifrice avoue-t-elle car elle a du mal à utiliser un palliatif nature ou sauvage et en même temps, on la comprend largement (nda). Concernant les vêtements, comme elle ne transpire pas trop elle garde les mêmes sur les sorties de 3 jours ou moins, ainsi elle allège considérablement son sac. Hildegarde est du même avis, s’il y a une rivière et qu’elle a le temps, elle ne dit pas non à une petite toilette pour se rafraîchir, mais sinon elle s’adapte sans problème au terrain. « Si je ne peux pas me laver, je ne me lave pas » simple non ?

Vous l’attendiez, on parle hygiène et corps, Karine a encore fait saigner sa plume pour partager avec nous sa passion du corps humain ! Elle débute en recadrant le thème : tout dépend ce qu’on appelle être propre et de notre tolérance face à la saleté. Si pour une nana être propre, douchée chaque jour, maquillée, parfumée, coiffée, c’est la base, c’est sûr qu’en forêt ça va être compliqué. Pour elle, être propre c’est douche quotidienne, 2x les dents, les cheveux 1x par semaine et des sous-vêtements quotidiens. Elle avoue que c’est facile pour elle car elle ne se maquille plus et le parfum c’est terminé. Toutefois elle aime être bien coiffée et porter ses quelques bijoux qui ont une valeur sentimentale. Pourtant, elle a appris à faire la part des choses entre la maison ou le boulot, et la nature. Cela ne la dérange pas d’esquiver quelques douches si elle peut faire une toilette de chat (savon et gant, pour ceux qui découvrent l’expression). Elle prend ses sous-vêtements selon la durée et sa brosse à dent (souvent avec du dentifrice naturel en poudre). Du coup, ça ne la change pas vraiment de son quotidien.

Elle ajoute que, le rouge à lèvres ne profite à personne en forêt et que le parfum fait fuir les animaux, donc si on y va pour se ressourcer et communier avec la nature, c’est loupé de cette façon. Au contraire, elle aime porter toujours le même manteau « de forêt » et se fondre peu à peu dans l’univers sensoriel de la nature sans incommoder les animaux.

NDA : je pense à la lecture de nos amies, qu’on voit bien qu’elles ont tranché la poire en deux. Elles ont d’une part baissé leurs attentes propreté quand elles sont en forêt, et d’autre part elles ont modifié leur traitement de l’hygiène au quotidien à la maison pour tendre vers la simplicité, ce qu’on appelle chez les scouts la sobriété heureuse. Elles consomment moins, moins techniques, et donc quand elles sont dans la nature finalement cela ressemble à peu près à la maison, à la différence qu’on doit aller chercher et éventuellement chauffer, l’eau, au lieu de tourner une poignée. Mais si c’est l’affaire de 2-3 jours, elles n’en font pas grand cas. J’aime assez ce lâcher-prise car je fonctionne exactement pareil. Si je pue un peu, c’est la vie, en forêt on pue tous un peu. Déjà on pue le feu, on pue la terre, on a parfois un peu chaud la nuit alors on sent le bonhomme ou la bonne-femme au matin… et moi ce sont des odeurs que j’adore (le feu et la terre pas les autres ha ha).

9) SECURITE

Quand vous êtes partie seule ou en groupe pour bivouaquer au milieu de rien, avez-vous déjà craint pour votre sécurité (physique, matérielle ou intime) ? Ou bien c’est juste un cliché de voyagistes pour vendre des billets en duo au lieu de solo ?

Pour Hildegarde, cela prête à sourire car elle se sent davantage en sécurité au milieu des bois à camper, que n’importe où ailleurs en ville la nuit (Éléonore dit pareil, mot pour mot). Bien sûr, elle tempère : c’est une question d’habitude. Le groupe, en stages organisés ou entre amis, est une bonne opportunité pour celles qui ne sont pas sereines à démarrer seules. Pourtant en aventurière chevronnée, elle reconnaît qu’à l’étranger, vu ce qu’il se passe dans le monde, elle n’irait pas toute seule.

Karine de son côté, garde une petite appréhension, oui selon elle on peut parfois avoir un coup de flip ça arrive. Ne serait-ce que physiquement, si on se blesse au milieu de rien, toute seule, qui va nous aider ? Elle se remémore une sortie donnée comme facile, auprès de la voiture, dans un fief familial qu’elle connaissait bien, avec tout son matériel. Mais en repérant les lieux pour voir où poser son bivouac, elle se prend la jambe dans une épinette noir qui l’a ouverte pile sur une veine. Elle a saigné copieusement et même après avoir tenté de désinfecter puis de poser un cataplasme argile + achillée millefeuille prémâchée, la douleur l’a contrainte à rentrer à la maison : échec mission ! « La nature ne te veut pas de mal, elle est juste plus forte que toi c’est tout ! » m’explique-t-elle avec ses mots. Elle a donc retenu la leçon, elle part rarement seule, même si elle adore la solitude, le silence.

Éléonore qui va souvent à l’étranger dans le cadre de son travail, reconnaît que là par contre, les femmes ne sont pas logées à la même enseigne, et elle n’aime pas ça du tout ! Elle reste sur ses gardes donc selon les lieux. S’habillant naturellement de façon passe-partout on ne lui a jamais fait sentir qu’elle pourrait être en danger de quoi que ce soit, surtout dans les pays musulmans ou parfois une femme peut se voir reprocher des épaules dénudées ou une tête dénudée. Elle se souvient d’une fois en Indonésie où, partie en coup de vent elle était en débardeur et dans la rue, elle s’est vite sentie mal à l’aise au vu des regards. Mais rien de méchant et depuis ils l’ont plus assimilé à sa fonction (gérer les expéditions = « girl boss ») qu’à son statut de femme.

Elle cite l’anecdote d’une amie à elle qui, faisant le tour du monde seule, a été plus qu’importunée en traversant la Mongolie sur 10 jours : 3 tentatives de viol plus tard, elle a décidé de passer par une agence pour se fondre dans des groupes et continuer tranquillement son voyage. NDA : bien sûr, personne ne jette la pierre à ce pays, cela aurait pu arriver partout ailleurs, mais c’est un bon exemple pour étayer le fait que tous les pays ne sont pas la France.

10) RECOMMANDATIONS :

Il y aura sûrement des jeunes femmes qui n’osent pas se lancer dans les randos, le bushcraft ou les stages de survie, qui nous liront. Auriez-vous un petit message d’encouragement pour elles ? Et si vous avez un message pour les messieurs, c’est le moment tant qu’à faire !

Éléonore vous dit de foncer ! Suivez vos envies ! Les préjugés c’est comme les excuses, il y en a pour tout et une seule façon de les briser : se lancer et tester par soi-même. Pour la rando, le bushcraft ou suivre un stage de survie, pas besoin de force ou d’une… preuve manifeste de virilité (nda, je censure Éléonore ha ha). Vous serez aussi capable, mesdames, que n’importe qui d’autre. Pour ces messieurs, elle annonce « la femme est un homme comme les autres ». Pas besoin de pincette ou de fierté mal placée. Les femmes seront peut-être meilleures que vous dans certains domaines et seront heureuses de vous apprendre, et parfois ça sera vous qui serez meilleurs et elles voudront recevoir votre savoir. « Et si… c’était ça le secret de la réussite : complémentarité et entraide ? ».

Dans la continuité, Hildegarde dit aux femmes de se faire plaisir, de ne pas s’arrêter à l’idée qu’on peut se faire du terrain, de ne pas hésiter à partir en binôme (gars ou fille) si cela vous rassure et de surtout rester vous-même. Pour les messieurs… « restez vous-même aussi ». Elle conclut en disant qu’il n’existe rien de mieux qu’un groupe mixte avec pleins de profils et savoirs différents pour partager de super moments.

Enfin, terminons avec Karine, notre massothérapeute préférée. Elle vous recommande de lire l’Appel de la forêt de Jack London pour mettre des mots sur votre envie de nature. Obligatoirement, commencer par se documenter sur le bushcraft, la flore sauvage, les outils etc… Pourquoi pas passer par un stage à la journée pour gagner du temps ou se rapprocher des personnes qui ont l’habitude de pratiquer la nature. Ensuite, sortir beaucoup, observer, écouter, sentir, ressentir. Débuter par des choses simples, parler aux chasseurs du coin pour comprendre les animaux, pourquoi pas un stage de pistage près de chez vous également.

Elle prolonge sur les stages en disant que si au début cela vous inquiète un peu, se tourner vers des stages à courte durée serait un bon compromis, et permettra de sortir doucement de votre zone de confort sans vous mettre en danger (nda : elle a bien résumé !).

Elle nous rappelle que vie dans la nature ne veut pas forcément dire survie et que si c’est important de se préparer à des situations un peu chaotiques pour savoir comment réagir, l’important c’est la vie. On ne fréquente pas tous l’outdoor pour les mêmes raisons et il y a plusieurs chemins qui y mènent. Il faut s’interroger sur les raisons de cet appel. Pour elle, nos ancêtres mêmes proches étaient intimement liés à la nature, peu importe leur genre, âge, culture. Donc peu importe d’où vous venez, vous êtes capables « d’enfiler vos godasses, de sortir, d’apprendre, de vous dépasser, de ressentir le bonheur indicible que procure la nature et surtout de ne pas oublier d’y amener vos enfants ! ».

Elle conclut en vous proposant de regarder les reportages et articles qui l’ont inspirés, sur Lynx notamment et Kim Pache, John Young (8 shields) en vous souhaitant une bonne découverte !

Merci à vous toutes pour vos réponses ! Merci aux lecteurs d’être arrivés jusqu’en bas, si l’article vous a plu allez voir sur ce blog il y a plein d’autres (interviews ou articles) qui vous plairont !

Renan

Fondateur et moniteur à la Skol Louarn

2 Replies to “Les femmes dans l’outdoor en 10 questions”

  1. Superbe interview inspirante, c’est le 2ème article que je lis de vous et j’ai vraiment du plaisir à vous lire.

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